Quand Mumm nous envoie en l’air

dimanche 16 octobre 2011


C’était il y a quelques temps déjà : le mercredi 28 septembre dernier, la fameuse marque de Pernod Ricard conviait quelques journalistes à un voyage des sens de Paris à Reims. Certains, craignant une mort précoce et quelque peu indélicate, décidèrent de s’en remettre au train. Mais la jeunesse a le cœur intrépide, et je ne me le fis pas dire deux fois quand on m’invita à grimper dans l’hélicoptère qui devait nous mener dans le bien connu fief champenois.

J’entends d’ici les récriminations des meilleurs d’entre nous et tiens à les rassurer : certes, ce voyage était tout sauf écologique mais il avait tout de même une visée didactique. Au-delà de griser quelques plumes du monde journalistique en leur redonnant l’impression de voler, ce doux automne nous fournissait l’occasion rêvée de découvrir, vus du ciel, les grands crus champenois de Cramant, Avize, Aÿ, Verzenay et Bouzy. Bien sûr, l’initiative n’était pas innocente. Notre pétillant pèlerinage sur la terre des saintes bulles avait en effet pour salutaire objectif de nous présenter le dernier né de la gamme Mumm : le brut sélection, savant assemblage de ces cinq grands crus.

Une fois arrivés dans le saint des saints, nous eûmes le singulier plaisir de découvrir l’univers très sophistiqué et mécanisé made in Mumm : un cours passage par le labo nous donna un aperçu de l’impressionnante maîtrise technique. Suivi de production, surveillance des raisins, supervision des cuveries, programmation du cycle de température, d’oxygénation, d’agitation… Tout y est savamment orchestré par de puissants systèmes automatisés. Rien ne semble laissé au hasard car la science fait finalement si bien les choses. Un cours passage par les cuves nous révéla par la suite l’ampleur de la modernisation intervenue de 2008 à 2010 : cuves flambant neuves thermorégulées aux capacités prodigieuses. Après un tel exposé éblouissant de scientificité, il nous fallait bien goûter en compagnie de Didier Mariotti, chef de cave, le résultat de tant d’investissements.

Après une dégustation difficile de quelques vins de réserve aux acidités particulièrement prononcées, je restai un peu sur ma faim. Difficile de projeter ces vins encore jeunes et en proie aux affres de l’adolescence dans un avenir proche et radieux. A fortiori lorsque l’on sait qu’ils donneront naissance à de complexes assemblages, car il s’agit alors d’envisager leur futur en tenant compte des mille et une possibilités que peuvent offrir leurs différents assemblages. Autant dire que la tâche se révélait être herculéenne, et que nous manquions de demi-dieux à la table des négociations pour prétendre présider aux destinées de ces précieux fluides. Et pourtant, quelle assemblée ! Michel Dovaz, Roger Pourteau, Nicolas de Rouyn pour ne citer qu’eux. Les plus téméraires s’aventurèrent à quelques commentaires, mais les sages qui avaient le plus de bouteille (et d’heures de vol) se contentèrent d’interroger notre hôte chef de cave sur sa philosophie.

A l’issue de cette dégustation qui avait poussé nos gosiers dans leurs derniers retranchements, nous gagnâmes la maison Cordon Rouge pour un déjeuner en extérieur s’il vous plaît, au milieu de buis parsemés pour l’occasion de quelques roses. Après l’effort, le réconfort dit-on : les deux Philippe des Crayères, Mille et Jamesse, ont su redonner ses lettres de noblesse à ce poncif désuet.

L’idée très séduisante : nous proposer cette nouvelle cuvée à différents degrés pour nous accompagner tout au long du repas. Guidé par les explications savantes de notre précieux sommelier, nous entamâmes donc les hostilités avec un carpaccio de langouste rose marinée au miel d’acacia. Je n’ose ajouter que ce sympathique crustacé était délicieusement accompagné d’un chutney de girolles et toasts melba à la tapenade. Oups, c’est dit. Pour lui donner la réplique, le brut sélection nous était servi aux environs de 6-8 degrés, histoire de souligner sa minéralité.

Avec pareille entrée en matière, la route était toute tracée : et quelques coquillages juste ouverts à la vapeur de curry en vichyssoise iodée de grains de caviar vinrent se frayer un chemin sur la table immaculée. Je les accueillis avec le bonheur que vous pouvez imaginer, mais aussi l’exigence de ceux qui sont nés près de l’océan et ont su très tôt en apprécier les bienfaits. Le brut sélection pour l’occasion avait revêtu les accents du chardonnay, égrenant sur nos palais quelques notes de citron et de pamplemousse pour prolonger avec goût les expressions iodées du plat.

Jaloux de l’envahissant chardonnay, le pinot noir se fit un devoir de prendre la relève aux alentours de 10-12°. Ses expressions de sous-bois et ses discrètes notes de pêche et d’abricot tutoyèrent, avec raison, un sublime filet de veau de lait et feuilles de figuier en croûte de sel. Quelques tagliatelles de salsifis aux arachides et olives, un jus parfumé au soja et au coriandre à ses côtés. En somme : « Coupez ! Pas besoin de la refaire, passons à la dernière scène. »

Final oblige, le dessert scella la réconciliation du chardonnay et du pinot noir autour des 12-14°. Une pointe de miel, quelques notes épicées, peut-être un rien de violette : c’est le vin non son accompagnement, mettons-nous d’accord. Dans l’assiette, un crottin de chavignol habilement découpé recouvrait de ses généreuses tranches une belle lamelle de poire juste snackée et poudrée de pain d’épices. Je ne vous en dis pas plus et laisse à votre imagination le bonheur d’y déposer mille saveurs.

En un mot, chapeau bas aux Philippe qui ont su souffler le chaud et le froid et sublimer cette cuvée de leurs savantes associations. Si, de votre côté, ces quelques lignes vous ont donné l’envie de vous forger votre propre idée, vous trouverez la cuvée brut sélection très prochainement chez vos cavistes à un prix d’environ 42 euros.