Un sourire malicieux sur les lèvres. Un regard qui trahit avant même les premières paroles échangées une rare intelligence. Une humilité sincère empreinte du souvenir d’une enfance modeste en Bretagne. Peu de temps après la sortie de son dernier opus la forêt des 29, Irène Frain, romancière de talent et infatigable globe-trotteuse, nous recevait dans l’intimité de son salon parisien pour parler de vin et de gastronomie.
CVF : Vous avez récemment présidé l’un des jurys des Journées Nationales du Livre et du Vin à Saumur, quel rapport entretenez-vous avec le vin ?
C’est mon père qui m’a initié au vin en nous servant les jours de fête un muscadet pour accompagner les huîtres de Belon. Mais c’est mon mari qui me l’a fait découvrir et apprécier : dans les années 1970, je me souviens ainsi que nous étions partis en dégustation dans la Loire à la découverte des vouvray, et à l’époque notre choix s’était porté sur le domaine Huet, alors peu connu. Je ne prétends pas être une spécialiste, mais je bois ce que j’aime : c’est avant tout le plaisir du goût que je recherche dans un vin, dans un plat ou dans leur association. J’aime manger un bon cassoulet avec un vin de Cahors, du chocolat avec un banyuls ou un porto, un curry avec un crozes-hermitage ou encore des biscuits à la cuiller avec du monbazillac.
CVF : Est-ce que vous avez des vins de prédilection ?
En Champagne, je garde un souvenir mémorable d’une verticale de Krug. J’aime aussi beaucoup la maison Taittinger, particulièrement les vieux millésimes de la cuvée Comtes de Champagne. En Bordeaux, j’aime beaucoup Cos d’Estournel, peut-être parce que c’est longtemps resté un vin très lié à l’Inde (ndlr : l’Inde a toujours fascinée Irène Frain) où il était exporté au XIXème siècle. On l’appelait même le Maharadjah à cette époque. J’apprécie aussi le Château la Lagune. L’été, j’aime boire des rosés d’Azay-le-Rideau ou des vouvrays pétillants.
CVF : Quel rapport le vin entretient-il avec votre œuvre et plus généralement avec la littérature selon vous ?
Certains de mes livres parlent de vin, c’est le cas d’Au Royaume des Femmes qui retrace en partie les pérégrinations de Joseph Rock, botaniste, explorateur et géographe sur lequel je me suis beaucoup renseigné. Lorsqu’il a voyagé au Tibet notamment, il avait emmené de grands bordeaux et champagnes dans ses paquets. Je crois en fait que c’est l’art qui réunit vin et littérature : l’écriture est aussi un phénomène de distillation qui vise à retirer la quintessence des choses. Comme le vin, elle est sujette à maturation : il y a des livres qui se lisent jeunes et d’autres qu’il faut savoir attendre.