Carnet de voyage en Sonoma

dimanche 10 juin 2012

Vérité Lake samedi 9 juin


C’est un p’tit coin de paradis au creux d’un vallon au-dessus de la winery de la Vérité, la propriété des Jackson dans la Sonoma. L’herbe grasse et rase, une plage de sable blanc, souvenirs de Haway au bord d’un lac aux eaux sombres, ridées par la délicieuse brise océanique, celle qui donne sa légèreté à l’air de la Sonoma.
Des nappes à carreaux bleus ondulent sous les chênes barbus. 
Les gascons Monique et Pierre Seillan, californiens d’adoption depuis que Pierre a décidé, il y a 15 ans, d’établir sa famille dans l’Ouest Américain, nous font goûter les dernières cuvées de la Vérité. Pour accompagner ce vin, l’un des  plus côtés des USA, produit par Pierre : Monique a invité des artisans qui infligent une claque gourmande dans la face des prétentieux palais que nous sommes : des magrets de canard aussi gorgeous que la ravissante jeune américaine qui les produit, des huîtres si délicates qu’elles sont friandises, des fromages affinés, du pain et du vin. Jess Jackson, décédé l’an dernier, doit bénir de là-haut le jour où il a rencontré Pierre. La Joie 2011, cuvée dominée par le cabernet sauvignon de Jackson/Seillan est celle qu’ils attendaient tous les deux : une osmose totale entre le style français et le terroir de la Sonoma. Pourtant le millésime n’a pas aidé Pierre, un été long et froid et des vendanges qui ne commencent que fin septembre pour finir fin octobre : de quoi mettre les nerfs des américains en pelote…  Pas ceux de l’ancien rugbyman gersois gonflé d’orgueil par la victoire en championnat de France de l’équipe toulousaine le matin même. La cuvée dessine un sourire sur nos lèvres, Lafite-Rothschild n’est pas loin, droiture, élégance de tanins, race... Le Désir et la Muse, les deux autres cuvées de la Vérité sont du même moule, mais c’est la Joie qui nous transporte. Pierre Seillan sourit, il a transformé l’essai. Parker par 7 fois lui a donné la note suprême de 100 points, fait unique.
Monique arrange les derniers préparatifs de la fête de la fleur qui a lieu ce soir à la Vérité sur le modèle bordelais, c’est une première. Mais, avant de se quitter, son mari  qui a toujours quelques quilles en réserve nous ouvre les trois 2010. Sa Muse est soyeuse et parfaite, longue en diable et juteuse à souhait. Son Désir est le cabernet franc tel qu’on l’imagine et que l’on ne rencontre jamais, si intense qu’il n’a pas encore autorisé les arômes du bois à percer le mystère de sa nature radieuse. Pierre Seillan tout à sa Joie 2010, un vin dont la froideur cache un tempérament  flamboyant, précise «  c’est ici que ça se passe dans la Sonoma, il faut que les gens comprennent ».
La Muse : majorité de merlot
La Joie :  majorité de cabernet sauvignon
Le Désir : majorité de cabernet franc
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Jackson Park, Sonoma

jeudi 7 juin 2012

Sonoma Jeudi 7 juin


Le Golden Bridge a 75 ans, Pierre Seillan, est beaucoup plus jeune, il n’a que 62 ans, aujourd’hui. Pour son anniversaire, le vigneron nous entraîne à la découverte de sa Sonoma, celle qu’il a façonnée, imaginée presque inventée pour Jess Jackson. Et puisqu’il est question de jeunesse, c’est par Jackson Park, un jeune vignoble d’une quinzaine d’années que  Pierre décide de débuter. Passé le pont mythique, la baie de San Francisco s’éloigne et les premières vignes de la Sonoma s’annoncent. C’est là sur cette terre en devenir que Pierre Seillan a dessiné le vignoble de Jackson Park à partir de rien, sur une toile vierge, une nature sauvage, territoire des mountains lions et des serpents à sonnette. Armé d’un GPS, il a délimité les parcelles, extrait la pierre, contourné les chênes centenaires, choisi les meilleures pentes et créé un canevas où les merlots enfichés dans les argiles gracieuses de cette terre de tous les possibles livreront le meilleur de leur jus pour bâtir un vin différent, un vin d’avenir. Pierre est un « farmer » de ceux qui chérissent la terre, certain qu’elle ne les trahira jamais du moment qu’on la respecte.  Grillon -c’est le surnom que lui donne ses amis du rugby- a de l’avance, il en a toujours eu, il sort de la mêlée et entre dans la vie, construisant les vins de la Vérité comme un parfumeur ses essences. Il a le choix, Jess Jackson à commencé lui aussi à 60 ans en achetant des bouts de terres dans différents coins du vignoble californien. Pierre ne prend que les meilleurs pour bâtir les 3 cuvées qui composent l’élite de la production Jackson : la Muse, la Joie et le Désir. Elles sont là, dans les calices sur une table ovale comme un ballon prêtes à livrer la subtilité élégante des assemblages signés Seillan.
La Muse la première , l’inspiratrice est dominée par le merlot : on imagine goûter un pomerol, on reste sur sa soif, c’est un Sonoma, différent, autre : on s’attend à  de la chaleur, on boit de la fraîcheur. Le 2007 sérieux et pourtant sauvage livre son intensité. La Joie, c’est le cabernet sauvignon en majesté plus tendu que jamais, musclé il regarde vers le futur laisse parler le sol plus que le raisin. Enfin, le Désir celui qui donne au cabernet franc la plus noble de ses ambitions, celle d’être bu, le Désir sait se rendre insatiable, même jeune on a envie de le boire. 2002, 2005, 2007 et 2009 : on les aime tous les quatre.
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Carnet de voyage en Sonoma


Roissy, mercredi 6 juin

Tôt mercredi matin, une poignée de journalistes, forcément triée sur le volet par le tandem Vizioz/Touchat, embarque à bord du vol AF 084 à destination de Saint Francisco. On déjeune…
On mange toujours beaucoup dans les avions et mal, mais ça fait passer le temps.
Les films ? Tous déjà vus ! Heureusement le spectacle est dehors à 10363 mètres sous mes fesses : la banquise. Pour rejoindre la Côte Ouest des Etats-Unis, la route aérienne frôle le pôle Nord. Deuxième repas du voyage : ça ne s’améliore pas, alors on boit. Un truc sans intérêt… Qu’importe : plus que quelques heures et ce sera l’instant Vérité.
Je connais le couple Pierre et Monique Seillan depuis peu, mais je sais qu’ils seront là pour nous accueillir, nous faire découvrir leur Amérique, leur Sonoma, les propriétés de la famille Jackson, mais surtout la Vérité, ce vin californien qui goûté dans un restaurant parisien à l’hiver a mis le doute en mon palais . Moi qui croyais que le Jugement de Paris était de la foutaise ; que seuls les bordelais savaient produire du cabernet, les rodhaniens de la syrah et les bourguignons du chardonnay, et que les américains n’étaient que des petits joueurs face aux grands noms de ma viticulture française chérie, je fus ce jour là, esbaudie par ce rouge venu des Amériques.
Enfin plusieurs mois après cette rencontre  je pars à la conquête de l’ouest viticole américain, sur les traces d’un français qui eut la chance de rencontrer un américain qui voulait faire le meilleur des vins…

San Francisco 13h, mercredi 6 juin

               Pierre est gersois, Monique aussi… Ils vivent en Californie, et parlent l’américain avec les accents du pays de l’ovalie. Pierre a d’ailleurs repris depuis peu une petite propriété viticole non loin du village natal, pour plus tard, on sait jamais...
Un jour, alors qu’il était directeur technique et vinificateur de plusieurs propriétés du bordelais ; il rencontre Jess Jackson,   2ème propriétaire  foncier viticole américain après l’état californien (plus de 5000 hectares). C’était il y a 20 ans. L’avocat américain voulait faire « un merlot aussi bon que Pétrus ». Le vigneron du Sud-Ouest, ancien demi de mêlée, aimait les changements de pieds qui font aller au-delà de la ligne et transforment les essais. Depuis Pierre et Monique vivent dans la Sonoma, y ont fait grandir leurs  enfants et élevé les vins de la Jackson’s Family au rang des meilleurs. Jess Jackson est décédé l’an dernier, les Seillan ont perdu leur ami, mais entourent toujours de leur affectueux savoir sa femme  Barbara et ses 3 enfants.
Vigneron-vinificateur, le cumul des mandats  n’avait pas cours au USA. Pour Pierre Seillan, il a fallu inventer cette nouvelle profession, un métier qui plus que dévoiler la Vérité au fond d’un verre de Muse 2007 (merlot dominant), pose les notes franches et précises d’un rouge qui distribue avec largesse sa nature juteuse, rafraîchie par l’air léger du Pacifique .

Demain, la suite…