Beaux mariages avec un vin jaune

jeudi 3 novembre 2011

Il ne connaît pas de concession, quand on l’aime, c’est passionnément. Encore faut-il savoir rester à table lorsque le jaune est servi.

Quiconque organise une rencontre entre un débutant et un vin jaune présume de ses talents d’entremetteur. Le jaune, arrogant dans son costume de clavelin aux larges épaules, s’offre cash, dans toute l’intensité de sa sauvage nature. Le quidam s’attendant la plupart du temps à boire du vin de paille – autre vin de couleur jaune, mais celui-ci doux comme le miel – vouera aux gémonies le traître qui eut l’outrecuidance d’organiser une telle rencontre gustative. Et pourtant, après explication, l’humeur revêche du dégustant s’adoucit au fur et à mesure que la dimension sauvage du jaune emplit ses sens. D’une complexité presque excessive, ses parfums laissent des volutes de curry, noix, écorces d’orange, citrons confits, tabac blond, curry, pain grillé… Il  est de tous les instants : l’apéritif lui va à ravir, à condition de le garder à table car son panache évince tout autre prétendant. Comme il supporte les épices, on peut le lancer sur des currys d’agneau ou de poisson. Le curcuma, le cumin, la cardamome sont ses alliés et la cuisine exotique lui fait de l’œil.  Grand seigneur, le jaune a sa cour où se pressent des cocottes parées de morilles, des andouillettes à la crème, une tranche de jambon braisé, une côte de veau moelleuse ou un risotto aux champignons. Afin de mieux réussir ces réunions il faut que la sauce soit crémée avec une base de vin jaune réduite, et qu’une goutte  soit ajoutée au dernier moment/. C’est impératif, elle pimentera l’accord.
Comme pour marquer sa noblesse, le vin jaune est souvent acide, il lui faut du gras. Une tranche de foie gras juste posée sur du pain grillé, pour les notes boisées, révèle par sa simplicité toute l’élégance. Il saura se mettre au niveau des poissons fumés, des escargots ou des grenouilles et faire le paon sur un homard. Le superbe aime aussi la simplicité, c’est là qu’il livre son plus beau profil associé à du comté ou du morbier ; quelques noix en dessert ou du chocolat noir. Question service, il réclame des égards. L’ouvrir une heure avant, c’est le mettre en beauté, le servir à 15°, c’est l’idéal. Enfin, comme il a éprouvé dans sa barrique, l’oxydation ; il ne subit pas les outrages de l’air : une bouteille ouverte pourra se garder plus d’un mois au réfrigérateur et sa longévité unique au monde dépasse les 50 ans.

C’est fait comment un vin jaune ?
Issu du savagnin, cousin du traminer alsacien qui aurait été envoyé par des religieuses hongroises aux chanoinesses de Château-Chalon, et d’un sous-sol de marnes grises foulées par les dinosaures, le vin jaune naît blanc. Il est ensuite conservé en barriques de 228 litres pendant 6 années, juste protégé sur l’ensemble de sa surface d’un voile naturel formé par les levures quelques mois après la récolte. De cette latence, le savagnin sort conquérant, renforcé par son enfermement pour mieux exploser de saveurs uniques. Tout le temps où le vin est resté dans le bois, il s’est replié sur lui-même, nourri seulement de ses levures, il a maigri au point qu’une bouteille de taille 75 cl ne lui va plus : il lui faut un clavelin de 62 cl. Toutes les appellations du Jura en produisent : Côte du jura, Arbois, L’Etoile et Château-Chalon, où il est l’élu.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire